Oct 21

Le rescrit fiscal, la fausse bonne idée ? De la non-lucrativité à l’intérêt général, Attention danger

Connaissez-vous la différence entre non-lucrativité, intérêt général et utilité publique ?

Entre reçu fiscal et rescrit fiscal ?

Savez-vous que l’intérêt général ne nécessite pas d’agrément ni de reconnaissance d’une administration ?

Loin des publications complaisantes vantant les atouts et décrivant avec brio la procédure des rescrits fiscaux, FINACOOP a décidé de sortir du bois.

Concernant la première question, pleine de particularités juridico-fiscales, nous ne pouvons que renvoyer notre lecteur vers nos podcasts à ce sujet avec Questions d’Asso (cet épisode, ou celui-là).

S’agissant de notre sujet du jour, le rescrit fiscal est une réponse de l’administration à des questions sur l’interprétation d’un texte fiscal. Il ne doit pas être confondu avec le reçu fiscal qui est une attestation fournie par un organisme d’intérêt général au donateur ou à l’adhérent justifiant de la défiscalisation de ses dons ou cotisations.

Bien que très séduisants sur le papier, et partant d’une intention louable des dirigeants de vouloir protéger leur organisation et se protéger eux-mêmes, les rescrits fiscaux « non-lucrativité » et « intérêt général » (ou « mécénat ») sont bien souvent source d’insécurité. Dès lors, il nous apparait, dans la majorité des cas, non opportun de solliciter de la position de l’administration fiscale au moyen d’un rescrit, lié à plusieurs raisons constatées dans la pratique :

 . Cette démarche est optionnelle. Elle n’est opportune à solliciter s’agissant de la non-lucrativité et/ou de l’intérêt général, que dans la mesure où l’organisme peut justifier d’une relative ancienneté par de premiers comptes clos démontrant la réalité ses activités (car le fisc n’appréciera pas une situation seulement projetée) et qu’aucun doute n’entoure le respect des critères

. La faible valeur de la réponse du fisc : répondant à un contexte donné à un moment donné, sur la base des seuls éléments transmis, sans procédure contradictoire, et donc susceptible d’être remise en cause en cas de contrôle fiscal, ou dans le temps

 . La tendance à obtenir des retours défavorables aux organisations en matière d’interprétation fiscale, selon nous liées aux consignes de contraintes budgétaires publiques, et ce malgré des jurisprudences contraires. En pratique, l’administration ne prend pas le soin de mener une procédure contradictoire et est amenée à priver la demandeuse du bénéfice du doute

 . Le renversement de la charge de la preuve : si l’administration fiscale se positionne contre, il faudra aller monter un dossier et le défendre auprès d’instances de recours, tandis qu’en cas de contrôle fiscal, ce sera à l’administration fiscale d’effectuer ce travail

 . Le coût et l’énergie pour ces démarches, notamment en procédure contentieuse (même si le juge est beaucoup plus clément que le fisc, les démarches demeurent longues et onéreuses, décourageant de fait la plupart des organisations)

 . Le fait que le donateur n’encourt aucune responsabilité légale ni pécuniaire en cas de contestation par le Fisc de l’éligibilité de l’organisme bénéficiaire au régime mécénat (notamment alors qu’en principe le donateur ne devrait même pas avoir droit de voir un quelconque rescrit fiscal qui est couvert par le secret fiscal entre le Fisc et l’organisme contribuable), sauf en cas de mauvaise foi

 . Le risque de hausse de contrôle fiscal futur

. Une minorité de financeurs demandant une réponse positive du fisc par conscience de la rareté des retours favorables du fisc ; en alternative, nous conseillons de leur transmettre une attestation du représentant légal de l’Association sur le fait que selon lui l’association respecte les critères de l’intérêt général ; Pour donner + de force et de sécurité, ou si le financeur ne s’en satisfait pas, FINACOOP peut également émettre une attestation sur ce point sous réserve d’une mission dédiée

 . Le fait que ce rescrit serait susceptible de “contaminer” d’autres organisations similaires et pas seulement une structure isolément (la question se pose de clouer au pilori d’autres organisations dans la même situation)

 . Le fait que la majorité des praticiens (avocats, experts-comptables) dans l’ESS partagent cette approche et déconseillent à leurs clients de solliciter des rescrits fiscaux (y compris les avocats qui auraient pourtant un intérêt pécuniaire à créer du contentieux !)

Nous sommes régulièrement émus lorsque des prospects ou bénéficiaires viennent nous voir avec des retours défavorables du fisc suite à leur rescrit fiscal, souvent menés sans accompagnement, les amenant parfois non seulement à la remise en question de leur intérêt général, mais également de leur non-lucrativité, ce qui menace leur survie même.

Cette sévérité fiscale est doublement attristante en sachant que la part des subventions publiques dans le budget des associations diminue d’année en année, qu’il leur est nécessaire de substituer ces ressources publiques par de la vente de biens ou services, et par du mécénat. Au risque que les premières les amènent à constituer un secteur d’activités lucratives qui pourrait remettre en cause les seuils de la non-lucrativité fiscale, et donc leur intérêt général… susceptible de les priver de ressources de mécénat. Un serpent qui se mord la queue ! Pour ne pas dire une belle hypocrisie qui menace la survie des organismes sans but lucratif.

En alternative au rescrit, nous conseillons à nos bénéficiaires, de concert avec eux, de renforcer, mettre à jour régulièrement, et défendre leur argumentaire sur la non-lucrativité et l’intérêt général, tout en sécurisant leur documentation juridique et leurs éléments de communication en cas de contrôle, en étant accompagnés par des professionnels comme FINACOOP.


Crédit photo : https://fr.123rf.com/images-libres-de-droits/panneau_attention.html

About The Author

Mathieu Castaings | Expert-comptable, juridique et financier, Réviseur Coopératif | Président Directeur Général | Sociétaire | " Explorateur de coopérations solidaires "